Trump et le protectionnisme

S’il y a une chose prouvée en économie, c’est que la multiplication des échanges favorise la prospérité des nations.

En échangeant, on augmente la division du travail, on cherche la manière de produire la plus optimale et du coup on réduit petit à petit le coût des biens et des services.

Mes arrière-arrière-grands-parents faisaient presque tout eux-mêmes : boucherie, pain (il y avait un four banal communal), on faisait ses vêtements, on faisait la charpente et les murs de sa maison, etc…

C’était une vie riche de savoir-faire… mais très dure et avec très peu de plaisir. La culture et le savoir était un luxe quasiment impensable.

On était aussi exposé fréquemment au drame : maladies, morts infantiles, ruines des récoltes… bref c’était la pauvreté.

Il y avait un peu de spécialisation (forgeron, mécanicien, meunier, …) mais globalement les échanges se faisaient entre les gens de la communauté, les marchands de passage et les villages alentours.

Aujourd’hui, le moindre achat, jusqu’au plus simple crayon, est en fait un échange avec des milliers de personnes à travers le monde.

Ma mère, qui est aujourd’hui élue dans notre village montagnard, est tombée sur un document légal de 1810.

J’ai lu cela et je n’y croyais pas.

Il était écrit que « toute personne arrivant dans le village doit avoir une explication de sa présence et avoir une justification du commerce qu’il souhaite mener avec un villageois de la contrée ».

Bref, en plus de la difficulté du transport de l’époque, il était difficile de pouvoir commercer librement… et pas seulement d’une nation à une autre mais parfois d’un village à l’autre !

 

Le Grand Enrichissement

 

Durant la période 1750 à 1900, l’Occident a changé de mentalité vis-à-vis des échanges. Ça a été la plus formidable avancée de l’Histoire de l’Humanité.

Les historiens et les économistes parlent de la période du « Grand Enrichissement ». 

Selon les derniers travaux, depuis la fin du 18ème siècle jusqu’à aujourd’hui, le français de classe moyenne a vu son pouvoir d’achat augmenter d’un facteur de 30 soit + 3 000%.

Les derniers rois et empereurs d’Europe vivaient dans des conditions matérielles et sanitaires que les plus pauvres français d’aujourd’hui trouveraient indécentes.

Pendant des millénaires l’évolution matérielle de l’homme a été très lente et en moins de deux cents ans c’est une véritable explosion, exponentielle, des conditions de vie qui s’est produite.

Une amélioration qui continue à se faire dans certains pays asiatiques (Inde et Chine) mais qui a clairement diminué en occident à partir du 20ème siècle.

 

Le protectionnisme de Trump

 

Aujourd’hui avec Trump, on parle d’un « renouveau du protectionnisme ».

Certains croient que le fait de fermer les frontières aux échanges permet d’enrichir la population nationale en les « protégeant ». Ils invitent même tous les pays à imiter le protectionnisme de Trump.

En réalité, le président américain ne partage pas cette idée.

 

Il a même déclaré à plusieurs reprises être pour l’abandon total de tous les tarifs douaniers.

Car le problème n’est pas le libre-marché mais la politique !

La Chine empêche les produits américains de rentrer chez elle et rend les investissements étrangers impossibles. L’Union Européenne taxe beaucoup plus lourdement les produits américains que le contraire.

Il y a donc une inégalité de traitement.

Trump n’est pas un protectionniste en soi : c’est un homme politique pris dans un rapport de force.

Son coup de poker protectionniste vise à amener les autres politiques à baisser leurs exigences douanières. C’est un pari risqué.

A priori l’Union Européenne est prête à faire un pas en avant… mais il se passera des décennies avant que l’impressionnante machine bureaucratique européenne puisse mettre un plan sur la table.

Pour le Mexique, Trump a fait renégocier de nouveaux accords commerciaux plus ouverts pour les échanges. C’est déjà une réussite.

Pour la Chine, le rapport de force risque d’être beaucoup plus difficile car il y a une réelle rivalité entre les deux plus grandes puissances économiques mondiales.

 

La conversion de Peter Navarro

 

Derrière la stratégie de Trump, il y a l’économiste Peter Navarro qui dirige l’Office de la politique du commerce (OTMP).

Cet économiste avait notamment écrit un livre anti-corporatisme et en faveur du libre-échange.

Il avait cependant un autre avis lorsqu’il a écrit son livre sur l’agression économique chinoise (intitulé «Death by China») dans lequel il disait que le libre-échange ne peut pas fonctionner si le commerce est inéquitable et intègre un pays dirigiste ou totalitaire.

Cet économiste est clairement pour des mesures de rétorsion et pour un bras-de-fer économique avec la Chine tant qu’un accord « juste » n’est pas instauré.

Le problème de sa stratégie c’est que si ça ne fonctionne pas… les citoyens pâtiront et le protectionnisme pourrait s’établir sur le long terme, réduisant grandement la puissance économique des États-Unis.

Au lieu de se résoudre à de lentes négociations, Trump arrive en position de force et espère voir les choses changer vite. Une brutalité qui vient en opposition aux conventions mais qui risque bien de faire bouger de nombreuses lignes politiques.

Pour plus ou moins de protectionnisme ? L’histoire nous le dira.

En attendant, le régime chinois est maintenant déstabilisé et séparé en deux camps.

Une frange du parti communiste est menée par des réformateurs économiques aux inspirations libérales qui sont pour l’instauration d’un traité de libre-échange avec les Etats-Unis.

L’autre frange est menée par le président Xi et les anciens proches de Mao, véritables idéologues socialistes de l’époque qui sont pour une économie protectionniste et pour le statu-quo.

 

Le protectionnisme rapporte des votes

 

Ce qu’il ne faut pas oublier c’est que la politique n’est pas un exercice de science économique…

L’objectif est surtout d’avoir des votes.

Une subvention ou une taxe douanière et on obtient les voix de tout un secteur industriel, des donations pour la campagne et des supporters motivés.

Les consommateurs cependant sont diffus, désorganisés et ne défileront pas dans la rue pour une augmentation du prix de l’acier.

La politique met toujours en avant les effets visibles de son intervention. En revanche, les conséquences néfastes sont beaucoup plus diffuses et prennent plus longtemps à se révéler.

Trump joue donc sur ce tableau pour s’assurer des votes (celui des employés d’industrie). N’oublions pas que les législatives sont dans quelques mois.

En gros, le protectionnisme est un outil politique efficace car :

  • Ses bénéfices sont observables et visibles
  • Son coût est moins évident à observer
  • Les bénéfices du protectionnisme sont très grands et immédiats pour les favorisés
  • Les pertes sont faibles et étendues dans le temps pour les consommateurs mais énormes à échelle nationale
  • Une fausse vision (mercantile) stipule que l’exportation est une bonne chose et l’importation une mauvaise chose
  • Une fausse pensée, similaire, stipule que l’échange est un jeu à somme nulle : dans un échange il y a forcément un gagnant et un perdant.

La mise en place du protectionnisme sert donc d’abord les intérêts politiques des représentants élus qui ont une vue à court terme.

Les gains politiques du protectionnisme sont trop tentants pour être ignorés malgré la réalité du fait qu’il s’agit d’une forme de suicide économique.

Finalement, l’art de négocier de Trump (voir son livre The Art of the Deal) me fait penser au vaccin : on souhaite vaincre la maladie en introduisant le poison.

Un remède qui pourrait s’avérer efficace pour remettre les gens autour de la table.

La différence est que le vaccin est un virus inoffensif… La guerre commerciale pas.

Sources :

https://fee.org/articles/25-reasons-why-protectionism-is-taken-seriously-when-its-actually-a-form-of-economic-suicide/

http://la-chronique-agora.com/negocier-trump/

https://m.tdg.ch/articles/21063618





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