L’imprévisible Argentine

Cette année, deux pays vivent une grave dépréciation de leurs monnaies : la Turquie et l’Argentine. Cette dernière a perdu 53% de sa valeur depuis le début de l’année contre 44% pour la livre turque dont la crise est plus récente.

En Juin, le FMI avait accepté un programme de stabilisation économique pour l’Argentine de 50 milliards dont 15 ont déjà directement versés. Mais on est loin d’avoir résolu le problème…

Le nouveau gouvernement argentin a effectué de larges coupes budgétaires, réduit ses ministères de 22 à 10, sa banque centrale a revu à la hausse son taux directeur atteignant 60% (un record mondial !) et de nouvelles taxes ont été levées sur les exportations.

Malgré cela, le spectre du défaut de paiement n’est toujours pas éloigné.

L’Argentine traine depuis 70 ans un déficit chronique.

A titre de comparaison, le déficit chronique français ne date « que » de 1974.

Mais ce n’est pas le seul facteur : l’Argentine a durant ces décennies testé un nombre incroyable de politiques monétaire, budgétaire et sociale.

Le pays a traversé des périodes d’intense socialisme péroniste, de dictature militaire et de contre-réforme libérale.

Ils ont testé le protectionnisme, la planche à billet, la promotion de monnaies locales et décentralisées, leur interdiction, l’extension des dépenses publiques, leur réduction drastique, etc…

La population ne sait plus si les crises sont dues aux politiques mises en place, aux précédentes ou si c’est une phase de convalescence. A chaque crise, on assiste à la recherche de boucs émissaires (les étrangers, le dollar, les socialistes, les Chicago-boys, etc…).

Ce qui caractérise ce pays c’est donc l’instabilité !

Les économistes s’accordent sur les vertus d’un certain conservatisme politique. Un Etat même dysfonctionnel, du moment qu’il laisse la société prospérer dans un cadre donné, est préférable a de grandes révolutions.

Car même dans un cadre contraignant, les individus peuvent se projeter et investir s’ils sont assurés de leur futur.

Les pays occidentaux, contrairement à des nombreux pays d’Amérique latine, n’ont pas connus de révolutions politiques profondes depuis des décennies.

Même si les politiques distributives et le code du travail varient grandement entre les pays occidentaux, c’est la stabilité (sécurité, législation, …) qui est crucial.

Un Etat ne fait pas défaut

 

A la différence des entreprises privées, les Etats sont souvent considérés comme des entreprises impérissables

L’idée derrière c’est qu’il y aura toujours des contribuables responsables du paiement de l’Etat, par conséquent un Etat peut toujours augmenter ses taxes pour honorer ses engagements financiers.

Mais c’est faux, un pays peut faire faillite !

Le défaut de paiement survient lorsqu’un Etat n’est plus en mesure de rembourser sa dette et ses intérêts.

Si la tendance du FMI et de la banque mondiale est d’intervenir pour empêcher certains états de faire faillite afin d’éviter toute répercussion sur le commerce international, les défauts de paiement étatiques ont déjà existé à de multiples reprises.

L’Argentine avait déjà semé la stupeur en 2001 avec un défaut de paiement, le plus important de l’histoire, de 100 milliards de dollars. Le Mexique en 1982 et la Russie en 1998 ont aussi été en faillite mais ces événements sont déjà oubliés.

Le défaut de paiement… pourquoi pas ?

 

On entend régulièrement des politiques indiquant qu’il vaudrait mieux effacer l’ardoise de la dette et renoncer à la rembourser.

Ne devrait-on pas se délivrer d’une charge qui pèse sur le budget national ?

Arriver à une situation aussi extrême est extrêmement douloureux et n’est pas sans conséquence.

Quand un pays a fonctionné pendant plusieurs années avec un système dépendant à de l’endettement (soit un pays qui dépense plus qu’il ne produit), le défaut de paiement signifie la fin du jeu…

Certes délivré du poids de la dette, le pays est cependant coupé des finances internationales.

Sa monnaie se dévalue, baissant ainsi le pouvoir d’achat des consommateurs et le pays ne peut plus emprunter sur les marchés.

Il doit également pratiquer « l’austérité » car il ne peut plus vivre au même train qu’auparavant.

Lorsqu’un pays possède sa propre monnaie, les dégâts systémiques pour les pays voisins sont limités. Il en va tout autrement lorsque différents pays se partagent cette même monnaie : c’est le cas de l’Euro.

La Grèce est un cas d’école où l’on maintient un pays insolvable afin d’éviter les répercussions sur les pays voisins.

La restructuration de la dette et les réformes afin d’honorer les prêts supplémentaires ont couté extrêmement cher à la Grèce : perte de patrimoine, augmentation du chômage, fuite des capitaux… finalement c’est un bilan extrêmement contrasté pour éviter des dégâts difficilement évaluables.

Aujourd’hui la dette de la Grèce pèse toujours énormément sur leur budget. Elle atteint même 180% de leur PIB et on ne voit guère d’améliorations.

Par suite d’un défaut de paiement, la situation des pays tend généralement à s’améliorer après quelques années de crise … Or la Grèce n’a toujours pas retrouvé de croissance malgré l’amélioration du tourisme et les multiples aides financières.

Aujourd’hui c’est un déni total… On va même jusqu’à fêter la sortie de la Grèce du programme d’aides européen malgré la faillite total de ce plan !

 

 

 

Sources :

https://www.romandie.com/news/Malgre-la-perfusion-du-FMI-chute-incontr-lee-du-peso-argentin/949667.rom

https://www.24heures.ch/economie/L-Argentine-depeche-son-grand-argentier-au-FMI/story/13984294

https://www.lesechos.fr/monde/ameriques/0302195719500-limpact-sur-la-societe-argentine-va-etre-tres-dur-2201584.php

https://www.letemps.ch/economie/face-crise-peso-largentine-accentue-lausterite

 





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